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Le sentiment de l'enfance
Didier Lett, Aux sources de l'enfance médiévale
Didier
Lett
"L'histoire
de l'enfance au Moyen Age s'est en grande partie construite contre
la thèse défendue par Philippe Ariès (L'enfant
et la vie familiale sous l'Ancien Régime, Paris, 1960,
rééd., 1973). Dès lors, un grand nombre d'études
consacrées aux enfants médiévaux a cherché
à démontrer qu'entre le Ve et le XVe
siècles existaient non seulement des sentiments pour les plus
petits mais également un véritable "sentiment de
l'enfance" ainsi qu'un réel souci éducatif."
Aux
sources de l'enfance médiévale
Il
n'est pas inutile de rappeler aux lecteurs les difficultés
particulières que rencontre l'historien travaillant sur l'enfance
médiévale car celles-ci déterminent des approches
et des problématiques spécifiques. Les sources demeurent
peu abondantes (surtout celles concernant le haut Moyen Age) mais
la rareté des gisements documentaires n'excuse jamais les silences
de l'histoire. Surtout, l'absence totale d'enfants qui écrivent
et la rareté des témoignages d'adultes qui se souviennent
de leur propre enfance, obligent l'historien à élaborer
une l'histoire du regard que les hommes (d'Église surtout)
ont porté sur l'enfant, objet de la parole et du discours d'autrui.
Dès lors, l'enfant est vu "en négatif". Ses
qualités et son comportement sont d'abord remarqués
parce qu'ils sont différents de ceux de l'adulte. Les sources
médiévales autorisent donc moins à faire une
histoire de la "réalité" de l'enfance qu'une
histoire des représentations que l'Église et les intellectuels
ont de l'enfance. Mais, l'historien sait désormais que la reconstitution
de la vérité historique passe non seulement par le réel
mais aussi par l'imaginaire.
Ce
travail sur le discours oblige le médiéviste à
multiplier les types de sources qui offrent chacun une image particulière
de l'enfance, présentant parfois des écarts de perception
extrêmement forts. A l'aube du XXIe siècle,
les médiévistes ont appris à se servir d'une
très large documentation pour élaborer l'histoire de
l'enfance. Si les sources écrites restent prédominantes
(hagiographie, exempla, textes littéraires, traités,
procès, statuts, textes juridiques et théologiques....etc.),
l'image occupe une place de plus en plus grande et les fouilles archéologiques
permettent un apport d'informations considérable.
Didier Lett, Dix ans de travaux sur l'enfance (en coll. avec V. Dasen,
M.-F. Morel, C. Rollet), in Enfances. Bilan d'une décennie
de recherche, Annales de démographie historique, 2, 2001,
1-100 (Histoire médiévale occidentale: 17-25).