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L'entrée dans la communauté
La mise en nourrice
Allaitement maternel ou mercenaire ?
"Il faut choisir une nourrice qui n'ait ni moins de vingt ans ni plus de quarante ans; elle aura eu deux ou trois enfants, sera exempte de maladies, de bonne taille et de teint bien coloré; elle aura des seins de volume moyen, souples, sans dureté ni rides, des mamelons ni trop petits, ni trop drus, ni trop poreux ou laissant passer trop largement le lait; elle sera tempérante, sensible, de caractère paisible; ce sera une Grecque, et elle aimera la propreté".
Soranos, Des maladies des femmes, 2.8.
Quand faut-il commencer à nourrir le bébé? Soranos prescrit une diète stricte de deux jours. On pense que le nouveau-né, perturbé par le traumatisme de la naissance, a besoin de se reposer; on croit aussi que son corps est encore plein de nourriture maternelle qu'il doit finir de digérer. Son régime sera réduit à quelques gouttes d'eau tiède mélangée à du miel, un aliment aux propriétés thérapeutiques et magiques.
On estime aussi que la mère doit se reposer, et que son premier lait, le colostrum, est mauvais pour la santé du bébé: on le trouve épais et indigeste. Certains médecins vont même jusqu'à prescrire un délai de quatre jours. Mais ce délai d'attente écoulé, tout le monde s'accorde à dire que le lait maternel est le meilleur pour l'enfant.
Cette diète était bien sûr une aberration qui faisait courir aux nouveau-nés de graves dangers. On sait aujourd'hui que ce premier lait est très utile: riche en graisses et en anticorps, il permet au bébé de résister aux maladies néonatales. Mais cette idée reçue a perduré. La diète du nouveau-né, réduite à un jour, était encore recommandée au début du XXe siècle.
Dans les familles aisées de l'époque impériale, la mère préférait ne pas allaiter l'enfant. Il était de bon ton de recourir à une, ou mieux, à plusieurs nourrices. Les médecins jugaient certes préférable l'allaitement maternel, tout en reconnaissant que cette tâche pouvait être contraignante et pénible.
Le choix dune nourrice nest pas pris à la légère. Soranos s'y attarde longuement (Des maladies des femmes, 2.8-10). On croit que les propriétés de son lait influenceront le développement physique et psychique de l'enfant, et que les maladies infantiles peuvent être soignées en modifiant son régime alimentaire.
Des contrats d'Egypte romaine viennent confirmer les exigences qu'énumère Soranos. La nourrice sy engage notamment à sabstenir de toute relation sexuelle pour éviter une nouvelle grossesse qui gâterait son lait. Pour Soranos, l'idéal sera "une Grecque, enfin, pour que le nourrisson s'habitue avec elle à la plus belle des langues".
Liens
Traité de pédiatrie
Traité de pédiatrie (1883) Académie d'hygiène contre les maladies du premier âge et la mortalité des nourrissons : L'Art de donner des soins aux nouveau-nés.
Site de la Bibliothèque Electronique de Lisieux.
Bibliographie pour la fiche
J.
Bertier, La médecine des enfants à l'époque impériale,
in Aufstieg und Niedergang der Römischen Welt, II: Principat,
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Ph. Borgeaud, L’enfance au miel dans les récits antiques,
in Naissance et petite enfance dans l'Antiquité, Actes du
colloque de Fribourg, 27.11-1.12. 2001, Fribourg-Goettingen (sous
presse).
D. Gourevitch, Le mal d'être femme. La femme et la médecine
dans la Rome antique, Paris, 1984.
- L'alimentation animale de la femme enceinte, de la nourrice et du
bébé sevré, in Caesarodunum, no hors série,
Actes du colloque de Nantes 1991, Homme et animal dans l'Antiquité
romaine, Tours, 1995, 283-293.
- L'alimentation artificielle du petit enfant dans l'Antiquité
classique, in Les biberons du Docteur Dufour, Fécamp,
Musées Municipaux de Fécamp, 1997, 13-18.
- L'alimentation du petit enfant romain, Revue internationale de
pédiatrie, 289, novembre-décembre, 1998, 43-46.