-
Perseus: dictionnaire et outil de recherche d'archéologie
Modules >
Epigraphie latine >
Avancés
Ier siècle après J.-C. (suite)
Cette
péripétie des guerres civiles nous éclaire sur la
situation d'Avenches au Ier siècle. Comme toutes les villes de
l'Empire, Avenches semble dirigée par une aristocratie qui décide
de son destin. Cette aristocratie est assez romanisée pour prendre
parti dans les luttes intestines de Rome, assez romanisée pour
compter dans ses rangs un orateur chevronné, usant de procédés
oratoires appris dans les écoles afin de persuader, dans leur langue,
des soldats de ne pas détruire Avenches. Il ne faut pas voir dans
cet épisode le sursaut d'un hypothétique nationalisme helvète
mais bien plutôt la preuve d'une romanisation profonde des cadres
d'Avenches, moins d'un siècle après l'annexion de l'Helvétie.
Les Camilli, que nous avons évoqués plus haut, témoignent
du même phénomène. Education latine des élites,
réalisations architecturales de caractère romain (tombeaux
d'En Chaplix, cycle statuaire des empereurs julio-claudiens): dès
le milieu du Ier s. ap. J.-C., voire un peu avant déjà,
Avenches était une cité fortement romanisée.
Vitellius ne
régna pas longtemps. Vespasien (empereur de 69 à 79 ap. J.-C.)
s'empara de l'Empire et, peut-être à l'instigation de Titus,
témoigna sa bienveillance à Avenches, cité dans
laquelle s'était établi son père, le banquier Sabinus.
Pour la dédommager de ses pertes, il donna à la ville
des honneurs et des avantages: il lui attribua un nouveau statut. Désormais,
Avenches s'appelle Colonia Pia Flavia Constans Emerita Helvetiorum
Foederata (= Colonie Pieuse, Flavienne, Constante, Emérite,
des Helvètes, Fédérée). Chaque terme de
ce long nom devrait rendre compte de la refonte juridique du statut
d'Avenches. Colonia lui donne le statut d'une colonie. Il s'agit
probablement d'une colonie de droit latin, ce qui signifierait que les
indigènes devenus magistrats de la ville recevaient la citoyenneté
romaine. Auparavant, Avenches n'était qu'une civitas,
capitale d'une région dont les indigènes n'étaient
pas citoyens romains. Le nom Flavia se rapporte à celui
de Vespasien (Flavius Vespasianus) et indique que la ville a
été élevée au rang de colonie par cet empereur.
Les termes Pia, Constans, Emerita posent quelques difficultés.
Emerita en particulier semble se référer à
l'installation à Avenches de colons, ces légionnaires-vétérans
de l'armée qu'en latin on appelle emeriti. Or, ceux-ci
auraient dû prendre la direction de la cité sitôt
installés. Pourtant, il n'est jamais question de vétérans
dans les inscriptions avenchoises et, comme cadres de la cité,
on trouve des membres des anciennes familles dirigeantes gallo-romaines
mêlées à quelques familles d'origine italienne.
On ne peut donc expliquer de façon satisfaisante ce titre d'Emerita
à l'aide du corpus épigraphique avenchois. Foederata
se réfère à un ancien traité qu'auraient
contracté les Helvètes avec Rome sans que nous soyons
en mesure de préciser à quelle époque et dans quelles
circonstances ce traité a été signé. Helvetiorum
enfin rappelle que la cité est la capitale du territoire
des Helvètes, lequel s'étendait du Jura aux Alpes, du
Rhin au lac Léman, même s'il nous est impossible à
l'heure actuelle d'en définir les limites exactes.